Les Voix de Marseille est un collectif créé le 1er mai composé de citoyens mobilisés contre l’abstention électorale et appelant à voter contre le Rassemblement National.
Indépendant de toute affiliation politique partisane, ce collectif rassemble et s’engage auprès des habitants de Marseille, quelles que soient leurs origines et leur position sociale, sans discrimination d’aucune sorte, et bien sûr au-delà de Marseille auprès de toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans cette ligne.

Continuons le combat !

Chères amies, chers amis,

Plusieurs semaines ont passé depuis le résultat du deuxième tour des élections législatives, marquées par l’absence de majorité pour le RN à l’Assemblée nationale. Au-delà du soulagement procuré par ce résultat, nous sommes conscients que tout ce qui a fait la montée de l’extrême droite peut s’ancrer dans nos sociétés et devra être contrecarré en luttant contre ses causes et ce dans la durée. Le risque demeure grand de voir progresser le vote pour l’extrême-droite lors des élections présidentielles en 2027. Afin de perpétuer la lutte, il est utile de tirer aujourd’hui les enseignements de nos actions récentes et réaffirmer nos engagements au sein du collectif des Voix de Marseille.

Le collectif des Voix de Marseille est apartisan et a pour objet principal la lutte contre le RN.

Nous sommes des universitaires ayant des engagements dans le soin, la recherche et l’enseignement et avons décidé de fonder un collectif citoyen pour lutter contre l’extrême droite le 1er mai 2024, avant les élections européennes. Notre choix a été de ne pas soutenir de parti politique et de rassembler nos forces pour lutter contre un unique ennemi, le RN, car c’est le seul parti d’extrême droite en mesure d’accéder au pouvoir en France. Dans l’urgence, nous avons mobilisé plus de 500 signataires qui nous soutiennent et avons organisé (et coorganisé) trois soirées qui ont eu lieu avant chacune des élections. Nous avons pu faire entendre nos voix citoyennes dénonçant les risques d’une victoire du RN pour le maintien des acquis sociaux nécessaires au vivre ensemble, au sein d’une société ouverte et tolérante. Nous avons créé un site internet permettant de rassembler nos textes et tribunes ainsi que ceux de nos contributeurs et amis. Le refus radical du discours de haine et de rejet de la différence porté par le RN se situe au-delà des choix politiques de chacun ainsi que d’éventuels désaccords sur des points de politique intérieure ou internationale.

Quels sont les objectifs et les moyens des Voix de Marseille ?

- Dénoncer les ruses et les mensonges du discours d’extrême droite, en tant qu’il est vecteur de haine et de rejet de la différence d’origine, de religion, de choix sexuel ou de genre.

Gardons en mémoire la phrase de Simone de Beauvoir « il suffira d’une crise économique et religieuse pour que les droits des femmes, nos droits soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant » ! Le féminisme est un modèle de combat pour une égalité en construction, demeurant fragile et qui impose une vigilance constante et active. Le RN a récemment élaboré une dédiabolisation de son discours à fin électoraliste, voilant le discours de haine qui le sous-tend. Lors de la soirée du 27 juin à la Criée coorganisée par LVM et le groupe Esprit Marseille, la militante et élue Geneviève Couraud a clairement montré que le mot « femme » n’apparaissait pas dans le programme du RN si ce n’est lorsqu’il était question de la famille, confirmant bien le rôle de « gardienne du foyer » qui est échu aux femmes, au mépris de leur indépendance et de leurs choix individuels.

Nous voulons expliciter les conséquences de ces présupposés antiféministes mais aussi les incohérences et apories qui sous-tendent le discours du RN au sujet de l’urgence climatique, qui concerne chacun. Dans un texte écrit pour Philosophie Magasine en juillet 2024, relayé sur le site internet des Voix de Marseille, la philosophe Joelle Zask décrit le « naturalisme » du RN et dénonce sa conception de la nature « mythifiée, fixe, vierge. Une nature à travers laquelle on devrait réaliser sa propre nature humaine. Autrement dit, c'est une nature qui a horreur de l'homosexualité, de l'avortement, du métissage… ».

Ainsi, les luttes féministes et écologiques convergent vers le rejet du discours normatif et réactionnaire du RN. Elaborer les concepts permettant de penser ce qui qui sous-tend un parti se déclarant démocratique mais dont le programme repose sur le rejet de l’autre sera transdisciplinaire. Nous voulons nous appuyer sur la collaboration de spécialistes des domaines divers de l’écologie, la philosophie, les sciences politiques, la sociologie, l’économie, la psychanalyse, etc. afin de produire de la connaissance sous la forme de textes et de séminaires. Car les mensonges et contre-vérités charriés par l’extrême droite en France, en Europe et dans le monde doivent être dénoncés de façon rigoureuse et systématique. Ainsi, le collectif LVM a l’intention d’organiser un séminaire de recherche et divers évènements en collaboration avec d’autres collectifs afin de penser le RN actuel, ses sources et sa nature fasciste, et tracer les conditions contemporaines de la démocratie.

-Proposer des actions citoyennes, des rencontres et des débats dans les différents quartiers de la ville de façon à donner l’opportunité à chacun de faire entendre sa voix. Proposer des actions concrètes, resserrer le lien social et remettre la citoyenneté au cœur de la cité.

Etienne Balibar proposait en 1998 non pas de combattre le FN mais de le vaincre : « il faut refaire la politique (…), donner une place une place centrale à l’idée de citoyenneté (…), et lutter contre le sentiment d’impuissance collective » 1 . Nous avons ressenti un vif désir de collectif ces dernières semaines, témoignant du besoin de se rassembler, mesurer les acquis sociaux que nous risquions de perdre et défendre le modèle de société que nous appelons de nos vœux. La forte mobilisation des électeurs au second tour a indéniablement influé sur les résultats du scrutin en actant la présence du front républicain. Ceci est la preuve que notre nos mobilisations ont porté ses fruits. Nous voulons continuer de lutter ainsi contre la passivité et la résignation.

Cependant les enjeux et le travail à venir sont grands pour renforcer lien social au niveau local et espérer créer des points de contact et d’échanges dans la ville et dans les lieux qui nous sont chers comme les écoles, les lieux de culture, l’hôpital. Pour cela, des modalités d’actions nouvelles sont à imaginer. Nous comptons sur vous, votre présence, votre soutien et vos idées. Nous n’avons pas de fonds pour faire fonctionner le collectif qui repose avant tout sur le désir de chacun. La mobilisation ces dernières semaines a eu un coût financier certain (location de salle, matériel, sécurité) que nous avons pris sur nosfonds propres. Dans l’intervalle, nous avons fondé l’association des Voix de Marseille. Afin de rendre possible les actions à venir, nous mettrons en place prochainement une cagnotte. Tout soutien financier sera utile. Une nouvelle page du collectif s’ouvre, excitante, faire de la lutte contre le RN le point de ralliement pour penser différemment la politique et influer sur le vote contre le RN en ravivant le désir de lien social.

Amitiés,

1 Balibar E., « De la préférence nationale à l’invention de la politique » in Droit de Cité, éditions L’Aube, 1998, p. 124-125